J’ai posté
un courriel à la Présidence de la République le 17 juin 2015, à la suite
d’un mouvement national, sans envergure, devant tous les rectorats de France,
initié par le Collectif Citoyen Handicap et relatif à l’intégration scolaire
des enfants porteurs de handicap.
Dans ce
courriel, je dénonce les mauvaises conditions de travail des équipes éducatives
pour cette intégration à laquelle je participe et qui me donne l’occasion
d’entendre les plaintes répétées tant des familles, des enseignants, des ASEH
(Aide à la Scolarisation des Enfants Handicapés), des ATSEM (Agent Territorial
Spécialisé des Ecoles Maternelles) et des communes. Toutes ces personnes ne
sont pas fédérées et donc ne peuvent créer un réel mouvement significatif pour
exprimer leurs difficultés.
Tout d’abord
quelques chiffres : http://www.talenteo.fr/chiffres-handicap-2015/
- 298 361 enfants handicapés scolarisés en France en 2012
- dont 26% en IME ou IMpro (Institut Médico Educatif ou Professionnel)
- Mais combien d'enfants non accueillis et contraints de rester au domicile de leurs parents ! Je n'ai pas trouvé de chiffres officiels et pourtant!
Pourtant la
loi du 11/02/2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et
la citoyenneté des personnes handicapées, stipule l’obligation de l’état de
faire respecter le droit à l’éducation de tous ces enfants.
Difficultés pour les familles :
Il est déjà
très difficile d’admettre le handicap, surtout quand il s’agit de son enfant,
et donc beaucoup de temps avant de « faire le deuil » de l’enfant
rêvé…
La
révélation des symptômes n’est pas toujours doublée
d’un diagnostic précis, là encore il faut du
temps…
Au moment de
la scolarisation, les enseignants non formés aux handicaps, mettent encore
beaucoup de temps pour constater les dysfonctionnements, pour informés les parents
tout en les ménageant, avant d’obtenir la visite d’un psychologue scolaire. Ce
dernier ne peut établir un diagnostic avant plusieurs observations et
rencontres avec l’enfant et s’il est avéré que les causes sont d’ordre privé, il
n’a aucun pouvoir de prise en charge en milieu scolaire.
Les
enseignants ne sont pas des thérapeutes et n’ont aucune formation sur les
handicaps, et pourtant ils ont obligation de scolariser tous les enfants, quant
aux formulaires et dossiers à remplir, orientation des familles vers les instances
appropriées, aucune formation non plus…
Alors le
regard des parents ordinaires devient pesant sur ces familles d’enfants
différents, qui « tardent » à faire le nécessaire pour cet
enfant que tout le monde reconnait comme « différent ». Les familles
sont perdues entre les dédales administratifs des différents services d’aide (Orthophoniste,
Pédopsychiatre, CAMSP, SESSAD, CMPP, IME, SAAAIS, APSA…).
Et le
découragement est légion, comment les en blâmer ?
Difficultés pour les écoles :
Comment
alerter les parents sans choquer ? Comment les orienter vers les bons
interlocuteurs ? Quelles possibilités ont les enseignants de convaincre un
parent à consulter des spécialistes? Quel formulaire remplir pour demander
une ASEH ? Pour un dossier MDPH ? (Maison Départementale des
Personnes Handicapées) Qui est le conseiller Pédagogique ASH (Adaptation
Scolaire des Handicapés) de l’académie ?
Pour
répondre à toutes ces questions, les enseignants ne savent pas à qui s’adresser
et encore une fois, n’ont pas de formation sur le sujet.
Dans le
secondaire surtout, la simple mise en place d’un PAI (Plan d’Accueil
Individualisé) préconisé par les services médicaux est déjà très difficile,
alors pensez, avec la multiplicité des enseignants, la coordination avec l’ASEH
pour quelques heures seulement d’accompagnement d’un collégien, c’est très
utopique !
Difficultés des ASEH :
Nous sommes
41 000 ASEH/AVS sur le territoire, recrutés par Pôle Emploi en CUI/CAE
pendant deux ans maximum. Le recrutement se fait sur tests de rapidité et de
respect de consignes simples, d’une ligne d’écriture, et sans aucun diplôme
exigé.
Le rectorat
demande donc à des personnes en réinsertion professionnelle, sans diplôme, et
sans formation d’aider des élèves eux-mêmes en difficulté dans leur
scolarité ! Ne marche-t-on pas sur la tête ?
Au cours de
ces 2 ans de CUI, nous suivons 60h de formation généraliste sur « le
handicap » comme s’il n’y en avait qu’un… sans retombées directes sur
notre travail quotidien, sans remboursement de frais de déplacement à Poitiers,
pour 600€ mensuel.
Il arrive
que ces contrats soit poursuivis par 6 années maximum de contrat annuel
renouvelable (ou pas), toujours au SMIC avec l’exigence du Baccalauréat, mais
toujours sans formation spécifique sur le handicap. On nous propose alors la
même formation que pour le CUI (donc en double), toujours aussi généraliste
mais cette fois avec une indemnité de déplacement !
A aucun
moment l’EN ne nous donne une fiche de poste, qui cadre les limites de nos
actions. Il nous est interdit de communiquer avec les familles en dehors de la
présence des enseignants (dans le secondaire, c’est compliqué).
Il n’existe
pas de diplôme validant ce métier, sans cadre précis pour régenter nos droits
et nos devoirs que nous ne connaissons pas.
Difficultés pour les mairies :
Les communes
ont pour obligation de scolariser tous les enfants de leur territoire mais sans
budget supplémentaire pour financer le matériel spécifique comme une table à
langer pour lourde charge dans les toilettes, une rampe d’accessibilité, un
ascenseur, un fauteuil ou une table ergonomique. Et cela sur la courte durée
que peut être la scolarisation de l’élève !
Avec les
Nouvelles Activités Périscolaires, ces enfants différents très fatigables,
doivent y être accueillis, par un personnel communal non formé, bien sûr, à la
limite de la dangerosité.
Conclusion…
J’aime mon
métier et pourtant… La loi de 2005 a mis en évidence la nécessité d’accueillir
tous ces enfants pour augmenter leurs capacités d’apprentissage, mais sans s’en
donner les moyens…
Depuis
janvier 2015, il n’est plus possible de maintenir les élèves en école
maternelle, mais puisqu’il n’y a pas assez de place en IME et que les écoles
primaires ne sont pas équipées de matériel pédagogique adapté, les familles se
retrouvent dans une impasse, surtout s’il n’y a pas d’ASEH de nommée. Donc
c’est le maintien à domicile pour 6000 d’entre eux!
Ce n’est pas
à titre personnel que je crie ma colère, mais pour ces enfants différents, ces
familles, les enseignants et mes collègues. Il est temps que le gouvernement se
penche sur ce problème qui est loin d’être marginal !
Paradoxalement,
plus la médecine progresse (et c’est tant mieux), et plus il y aura d’enfants
porteurs de handicap, c’est statistiquement prouvé : 1% des naissances
soit 7500 chaque année.
Je suis
inquiète pour l’avenir de ces enfants différents, surtout quand je constate le
manque de mobilisation de la population, qui pourtant fait souvent du
misérabilisme devant les handicaps, ce n’est pas de cela dont ils ont besoin
mais d’une action concertée !!!