samedi 4 juillet 2015

Loi du 11/02/2005 sur l'égalité des droits et des chances : difficultés de sa mise en place!


J’ai posté un courriel à la Présidence de la République le 17 juin 2015, à la suite d’un mouvement national, sans envergure, devant tous les rectorats de France, initié par le Collectif Citoyen Handicap et relatif à l’intégration scolaire des enfants porteurs de handicap.

Dans ce courriel, je dénonce les mauvaises conditions de travail des équipes éducatives pour cette intégration à laquelle je participe et qui me donne l’occasion d’entendre les plaintes répétées tant des familles, des enseignants, des ASEH (Aide à la Scolarisation des Enfants Handicapés), des ATSEM (Agent Territorial Spécialisé des Ecoles Maternelles) et des communes. Toutes ces personnes ne sont pas fédérées et donc ne peuvent créer un réel mouvement significatif pour exprimer leurs difficultés.

Tout d’abord quelques chiffres : http://www.talenteo.fr/chiffres-handicap-2015/

  • 298 361 enfants handicapés scolarisés en France en 2012
  • dont 26% en IME ou IMpro (Institut Médico Educatif ou Professionnel)
  • Mais combien d'enfants non accueillis et contraints de rester au domicile de leurs parents ! Je n'ai pas trouvé de chiffres officiels et pourtant!

Pourtant la loi du 11/02/2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, stipule l’obligation de l’état de faire respecter le droit à l’éducation de tous ces enfants.

Difficultés pour les familles :

Il est déjà très difficile d’admettre le handicap, surtout quand il s’agit de son enfant, et donc beaucoup de temps avant de « faire le deuil » de l’enfant rêvé…

La révélation des symptômes n’est pas toujours doublée

 d’un diagnostic précis, là encore il faut du temps…

Au moment de la scolarisation, les enseignants non formés aux handicaps, mettent encore beaucoup de temps pour constater les dysfonctionnements, pour informés les parents tout en les ménageant, avant d’obtenir la visite d’un psychologue scolaire. Ce dernier ne peut établir un diagnostic avant plusieurs observations et rencontres avec l’enfant et s’il est avéré que les causes sont d’ordre privé, il n’a aucun pouvoir de prise en charge en milieu scolaire.

Les enseignants ne sont pas des thérapeutes et n’ont aucune formation sur les handicaps, et pourtant ils ont obligation de scolariser tous les enfants, quant aux formulaires et dossiers à remplir, orientation des familles vers les instances appropriées, aucune formation non plus…

Alors le regard des parents ordinaires devient pesant sur ces familles d’enfants différents, qui « tardent » à faire le nécessaire pour cet enfant que tout le monde reconnait comme « différent ». Les familles sont perdues entre les dédales administratifs des différents services d’aide (Orthophoniste, Pédopsychiatre, CAMSP, SESSAD, CMPP, IME, SAAAIS, APSA…).

Et le découragement est légion, comment les en blâmer ?

Difficultés pour les écoles :

Comment alerter les parents sans choquer ? Comment les orienter vers les bons interlocuteurs ? Quelles possibilités ont les enseignants de convaincre un parent à consulter des spécialistes? Quel formulaire remplir pour demander une ASEH ? Pour un dossier MDPH ? (Maison Départementale des Personnes Handicapées) Qui est le conseiller Pédagogique ASH (Adaptation Scolaire des Handicapés) de l’académie ?

Pour répondre à toutes ces questions, les enseignants ne savent pas à qui s’adresser et encore une fois, n’ont pas de formation sur le sujet.

Dans le secondaire surtout, la simple mise en place d’un PAI (Plan d’Accueil Individualisé) préconisé par les services médicaux est déjà très difficile, alors pensez, avec la multiplicité des enseignants, la coordination avec l’ASEH pour quelques heures seulement d’accompagnement d’un collégien, c’est très utopique !

Difficultés des ASEH :

Nous sommes 41 000 ASEH/AVS sur le territoire, recrutés par Pôle Emploi en CUI/CAE pendant deux ans maximum. Le recrutement se fait sur tests de rapidité et de respect de consignes simples, d’une ligne d’écriture, et sans aucun diplôme exigé.

Le rectorat demande donc à des personnes en réinsertion professionnelle, sans diplôme, et sans formation d’aider des élèves eux-mêmes en difficulté dans leur scolarité ! Ne marche-t-on pas sur la tête ?

Au cours de ces 2 ans de CUI, nous suivons 60h de formation généraliste sur « le handicap » comme s’il n’y en avait qu’un… sans retombées directes sur notre travail quotidien, sans remboursement de frais de déplacement à Poitiers, pour 600€ mensuel.

Il arrive que ces contrats soit poursuivis par 6 années maximum de contrat annuel renouvelable (ou pas), toujours au SMIC avec l’exigence du Baccalauréat, mais toujours sans formation spécifique sur le handicap. On nous propose alors la même formation que pour le CUI (donc en double), toujours aussi généraliste mais cette fois avec une indemnité de déplacement !

A aucun moment l’EN ne nous donne une fiche de poste, qui cadre les limites de nos actions. Il nous est interdit de communiquer avec les familles en dehors de la présence des enseignants (dans le secondaire, c’est compliqué).

Il n’existe pas de diplôme validant ce métier, sans cadre précis pour régenter nos droits et nos devoirs que nous ne connaissons pas.

Difficultés pour les mairies :

Les communes ont pour obligation de scolariser tous les enfants de leur territoire mais sans budget supplémentaire pour financer le matériel spécifique comme une table à langer pour lourde charge dans les toilettes, une rampe d’accessibilité, un ascenseur, un fauteuil ou une table ergonomique. Et cela sur la courte durée que peut être la scolarisation de l’élève !

Avec les Nouvelles Activités Périscolaires, ces enfants différents très fatigables, doivent y être accueillis, par un personnel communal non formé, bien sûr, à la limite de la dangerosité.

Conclusion…

J’aime mon métier et pourtant… La loi de 2005 a mis en évidence la nécessité d’accueillir tous ces enfants pour augmenter leurs capacités d’apprentissage, mais sans s’en donner les moyens…

Depuis janvier 2015, il n’est plus possible de maintenir les élèves en école maternelle, mais puisqu’il n’y a pas assez de place en IME et que les écoles primaires ne sont pas équipées de matériel pédagogique adapté, les familles se retrouvent dans une impasse, surtout s’il n’y a pas d’ASEH de nommée. Donc c’est le maintien à domicile pour 6000 d’entre eux!

Ce n’est pas à titre personnel que je crie ma colère, mais pour ces enfants différents, ces familles, les enseignants et mes collègues. Il est temps que le gouvernement se penche sur ce problème qui est loin d’être marginal !

Paradoxalement, plus la médecine progresse (et c’est tant mieux), et plus il y aura d’enfants porteurs de handicap, c’est statistiquement prouvé : 1% des naissances soit 7500 chaque année.

Je suis inquiète pour l’avenir de ces enfants différents, surtout quand je constate le manque de mobilisation de la population, qui pourtant fait souvent du misérabilisme devant les handicaps, ce n’est pas de cela dont ils ont besoin mais d’une action concertée !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire